L’effondrement ou le risque d’effondrement d’une partie de son terrain peut constituer un trouble anormal du voisinage.
Dans une telle situation, il est possible de saisir le juge des référés près le Tribunal judiciaire en urgence qui pourra ordonner des mesures pour faire cesser ce trouble.
En effet, il ressort de l’article 835 du code de procédure civile que :
« Le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».
Il résulte de ces dispositions que le juge des référés peut prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état, dès lors qu’il est saisi d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent.
La charge de la preuve du trouble ou du dommage pèse sur le demandeur (voir en ce sens : Cass. 3e civ., 14 janv. 2014, n° 12-29.667) et le juge apprécie le caractère manifestement illicite du trouble invoqué (voir en ce sens : Civ. 2e, 21 juill. 1986, Bull. civ. II, no 119 ; Com. 31 mai 2011, Rev. sociétés 2011. 492, obs. Prévost; RTD civ. 2011. 590, obs. Perrot).
Relevons qu’un trouble manifestement illicite peut exister, nonobstant l’existence d’une contestation sérieuse. En effet, le juge des référés qui retient l’existence d’un trouble manifestement illicite, au sens des dispositions précitées, justifie par là-même sa décision ordonnant qu’il y soit mis fin ; il ne peut donc lui être fait grief d’avoir statué malgré une contestation sérieuse (voir en ce sens :Civ. 1re, 15 oct. 1985, Bull. civ. I, no 260 ; Civ. 1re, 3 juin 1986, Bull. civ. I, no 153; RTD civ. 1988. 169, obs. Normand ; Civ. 2e, 25 févr. 1987, Bull. civ. II, no 55).
Comment se définit le trouble manifestement illicite ?
Le trouble manifestement illicite peut se définir comme : « toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit » (H. Solus et R. Perrot, Droit judiciaire privé, t. 3 : Sirey, 1991, n° 1289).
Un trouble anormal de voisinage est constitutif d’un trouble manifestement illicite (voir en ce sens : Cass. 3e civ., 30 mars 2017, n° 15-29.341) :
« Vu l’article 809 du code de procédure civile, ensemble les articles 639 et 640 du code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 octobre 2015), statuant en référé, que M. X… et Mme Y…, propriétaires d’une villa surplombée par celle de M. Z…, l’ont assigné en réalisation de travaux de nature à arrêter les écoulements d’eau en provenance de son fonds ;
Attendu que, pour accueillir cette demande, l’arrêt retient qu’un procès-verbal de constat dressé à la demande de M. X… et Mme Y… établit l’existence d’un écoulement d’eau quasi-permanent envahissant le pourtour de l’entrée de leur villa et entraînant la formation de flaques provoquant une humidité en partie basse et remontant par capillarité sur les murs de leur maison et que ces désordres sont imputables à une infiltration d’eau en provenance du fonds appartenant à M. Z… et leur causent un trouble anormal de voisinage auquel celui-ci devra mettre fin ;
Qu’en statuant ainsi, sans avoir déterminé si les désordres relevés résultaient de l’exercice de la servitude d’écoulement des eaux ou d’une intervention humaine entraînant un trouble anormal de voisinage, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » ;
Il a été jugé qu’un simple risque d’effondrement peut à cet égard caractériser un trouble anormal de voisinage.
Ainsi jugé que le « risque d’effondrement et le défaut manifeste de mise en œuvre d’un ouvrage de gros œuvre satisfaisant à la contrainte impérative de maitrise des talus et des eaux» constitue un trouble anormal de voisinage (voir en ce sens : Cour de cassation, 2ièmeciv., 24 octobre 2019, N° 18-20701).
De même, le défaut de réalisation de travaux de stabilisation avant toute reprise des travaux sur une propriété a été considéré comme une attitude à l’origine de la persistance du risque d’effondrement d’une maison et donc constitutif de trouble anormal de voisinage (voir en ce sens : Cour de cassation, 3ièmeciv., 24 avril 2013, N°10-28.344).
Enfin, il a été considéré que la persistance d’un état de dangerosité est un trouble manifestement illicite (voir en ce sens : CA Rennes, 7 Juin 2011, n° 10/07734).
A fortiori, peut donc être constitutif d’un trouble anormal de voisinage et donc d’un trouble manifestement illicite l’effondrement d’une partie de son terrain à l’occasion de travaux initiés par le voisin.
Quelles mesures peuvent-elles être ordonnées en cas de trouble manifestement illicite ?
En cas de trouble manifestement illicite, le juge peut ordonner des mesures conservatoires pour faire cesser le trouble.
Les mesures dépendent bien entendu de chaque situation.
En cas d’effondrement ou de risque d’effondrement d’une partie du terrain, le juge peut ordonner des mesures pour faire cesser ce trouble.
Généralement, il convient de solliciter un expert technique qui peut se prononcer sur la nature du risque et les mesures de stabilisation qui pourraient être décidées.
Votre assurance et l’assurance de votre voisin peuvent missionner cet expert.
Si votre voisin refuse de faire droit à votre mise en demeure et de suivre les préconisations de l’expert techniques, il est donc possible de demander au juge d’ordonner ces mesures.
Cela peut consister en une étude de stabilité complémentaire, la mise en oeuvre de barrières de sécurité, des travaux de sécurisation.
Dans l’attente, il est possible de solliciter également l’interruption de tous travaux afin d’éviter la survenance ou l’aggravation d’un effondrement.
Que faire une fois les mesures conservatoires ou de remise en état ordonnées par le juge ?
Sachez enfin qu’il n’est pas possible d’obtenir réparation de vos préjudices dans le cadre d’un référé.
Le référé vise simplement à ordonner les mesures urgents qu’imposent la situation.
Pour demander réparation intégrale de vos préjudices, il est en revanche nécessaire de procéder par voie d’assignation au fond, en mettant en cause toutes les personnes responsables.
En cas d’effondrement ou de risque d’effondrement de votre terrain, vous pouvez confier ces démarches à Me Aurélien PY, Avocat au Barreau de Grenoble.