Propriété en bordure de voie publique : tout savoir sur l’arrêté individuel d’alignement

Progression de votre lecture

Table des matières

Vous envisagez de clôturer votre terrain, d’installer un portail ou de bâtir un garage en bordure de voie publique ? Votre mur existant donne directement sur une route communale, départementale ou nationale ?

Dans ces situations, une question est déterminante : où s’arrête votre propriété et où commence le domaine public ?

Pour éviter les mauvaises surprises — comme une obligation de démolir une construction jugée en infraction ou la perte de quelques précieux mètres carrés — il vous faut connaître avec précision la limite entre votre terrain et la voie publique.

C’est là qu’interviennent le plan d’alignement et l’arrêté individuel d’alignement.

Que vous soyez en train de préparer un projet de construction, de rénovation ou simplement soucieux de sécuriser juridiquement votre bien, cet article vous guide à travers les enjeux, les procédures et les conséquences pratiques liés à l’alignement.

1-    Quelle différence entre un plan d’alignement et un arrêté individuel d’alignement ?

La délimitation précise entre le domaine public artificiel, notamment routier, et les propriétés privées riveraines repose sur deux instruments principaux : le plan d’alignement et l’arrêté individuel d’alignement.

Bien qu’ils visent tous deux à établir cette limite, ils diffèrent en termes de procédure, de portée juridique et d’effets sur les droits des propriétaires privés.​

Le plan d’alignement

Le plan d’alignement est un document administratif à caractère réglementaire qui fixe, après une procédure d’enquête publique, la limite entre la voie publique et les propriétés privées adjacentes.

Selon l’article L. 112-1 du Code de la voirie routière, ce plan est accompagné d’un plan parcellaire et est élaboré par l’autorité exécutive de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale propriétaire de la voie. 

La procédure d’établissement

Avant son adoption, le plan d’alignement fait l’objet d’une enquête publique organisée conformément aux dispositions du Code des relations entre le public et l’administration. Cette démarche garantit la participation des citoyens et la prise en compte des intérêts des propriétaires riverains. 

Les effets juridiques

La publication d’un plan d’alignement entraîne de plein droit l’attribution à la collectivité propriétaire de la voie publique du sol des propriétés non bâties situées dans les limites qu’il détermine. Pour les propriétés bâties, ce transfert intervient dès la destruction du bâtiment concerné. Les indemnités éventuelles sont fixées et payées en application des règles en vigueur en matière d’expropriation.

L’arrêté individuel d’alignement

L’arrêté individuel d’alignement est un acte administratif délivré à la demande d’un propriétaire souhaitant connaître la limite exacte entre sa propriété et la voie publique. Comme le précise l’article L. 112-1 du Code de la voirie routière, cet arrêté est délivré conformément au plan d’alignement, si toutefois il en existe un.

En l’absence d’un tel plan, l’arrêté individuel se borne simplement à constater la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine. 

La procédure de délivrance

  • L’arrêté est délivré par le gestionnaire de la voie (CE, 1er décembre 2008, n° 308862), c’est-à-dire le représentant de l’État dans le département, à savoir le préfet (route nationale), le président du conseil départemental (route départementale) ou le maire (route communale).
  • En agglomération, lorsque le maire n’est pas compétent pour délivrer l’alignement, il doit néanmoins obligatoirement être consulté. 
  • En application de l’article L. 112-4 du Code de la voirie routière, l’arrêté individuel d’alignement ne peut être refusé au propriétaire qui en fait la demande. Si l’administration sollicitée refuse de délivrer un tel arrêté, son refus est considéré comme illégal (CE, 28 mai 1971, n° 78334 et 78335).

Les effets juridiques

  • L’arrêté individuel d’alignement est un acte purement déclaratif qui constate la limite existante entre la propriété privée et le domaine public, sans modifier les droits de propriété du riverain.
  • Du fait de ce caractère déclaratif, son opposabilité ne dépend pas de sa notification (CE, 20 juin 2008, n° 306079).
  • Il n’entraîne pas de transfert de propriété ni d’obligation d’indemnisation. ​

Quelles conséquences pour les propriétaires privés ?

  • Plan d’alignement : il peut imposer des servitudes de reculement, interdire certaines constructions ou entraîner des cessions de terrain sans indemnisation immédiate.​
  • Arrêté individuel d’alignement : il informe le propriétaire des limites exactes de sa propriété par rapport à la voie publique, ce qui facilite la planification de travaux en conformité avec les réglementations en vigueur.​

2-    Quels sont les effets d’un arrêté individuel d’alignement ?

Bien qu’il soit de nature déclarative et ne modifie pas en soi les droits de propriété, l’arrêté individuel d’alignement n’en a pas moins des implications pratiques significatives pour les propriétaires qui envisagent des travaux sur leur terrain en bordure voie publique.​

Son impact sur les limites de propriété

L’arrêté d’alignement constate la frontière exacte entre votre propriété et la voie publique. Il porte à la connaissance du propriétaire la délimitation entre son bien et le domaine public. Cette délimitation est indispensable pour éviter tout empiètement involontaire sur le domaine public, ce qui pourrait entraîner des litiges ou des sanctions.

Son influence sur les décisions de travaux en bordure :

  1. Conformité des projets : avant d’entreprendre des travaux tels que la construction d’une clôture, d’un mur ou l’extension d’un bâtiment en limite de propriété, il est impératif de connaître la ligne d’alignement. L’arrêté d’alignement vous assure que vos projets respectent les limites établies, évitant ainsi des démolitions ou des modifications ultérieures imposées par l’administration. ​
  2. Le rappel des servitudes de reculement : dans certains cas, notamment lorsqu’un plan d’alignement est en vigueur, des servitudes de reculement peuvent être imposées. Ces servitudes interdisent la construction ou la rénovation de structures existantes au-delà d’une certaine limite, dans le but de préserver l’espace nécessaire à d’éventuels élargissements de la voie publique. L’arrêté d’alignement vous informe de telles servitudes, vous permettant d’adapter vos projets en conséquence. ​
  3. Un préalable aux demandes d’autorisations : la demande d’un arrêté d’alignement est une démarche préalable recommandée avant le dépôt de toute demande d’autorisation d’urbanisme (permis de construire, déclaration préalable, permis d’aménager). Cette démarche garantit que votre projet est conforme aux règles d’alignement en vigueur, facilitant ainsi l’obtention des autorisations nécessaires.  

Quelles conséquences en cas de non-respect de l’alignement ?

Réaliser des travaux sans tenir compte de l’alignement peut constituer une infraction à la conservation du domaine public routier. Cela peut entraîner des sanctions telles que des amendes, voire l’obligation de démolir les ouvrages empiétant sur le domaine public.

Mieux vaut respecter les indications et données fournies par l’arrêté d’alignement pour éviter ces situations problématiques.

Vous l’aurez compris, l’arrêté individuel d’alignement joue un rôle clé dans la sécurisation de vos projets en bordure de propriété. Il vous permet de vous conformer aux réglementations en vigueur, de prévenir les litiges avec l’administration et de protéger la valeur de votre bien immobilier.

Mais que se passe-t-il lorsqu’un tel alignement est erroné ou irrégulier ?

3-    Un arrêté individuel d’alignement peut-il être irrégulier ?

Un arrêté individuel d’alignement peut être déclaré irrégulier pour plusieurs motifs, notamment :

  1. Une erreur dans la délimitation constatée : si les limites fixées par l’arrêté ne correspondent pas à la réalité constatable sur le terrain, en tant que propriétaire, vous pouvez contester l’arrêté en démontrant l’inexactitude de la délimitation.​
  2. Vice de procédure ou incompétence de l’auteur : l’arrêté doit être pris en respectant les procédures légales en vigueur. Il y a donc irrégularité si l’autorité qui a édicté l’acte n’a pas respecté les formalités requises ou si elle n’était pas compétente pour adopter un tel acte.
  3. Contradiction avec d’autres documents d’urbanisme : si l’arrêté d’alignement est en contradiction avec un plan d’alignement existant ou avec le Plan Local d’Urbanisme (PLU), il peut aussi être contesté.​

Il est essentiel que les propriétaires vérifient la conformité de l’arrêté d’alignement avec la réalité du terrain et les documents d’urbanisme applicables.

S’il existe un plan d’alignement, et que ce dernier n’est pas suffisamment précis pour apprécier l’exactitude des limites constatées dans l’arrêté, le requérant peut demander au juge de nommer un expert afin de déterminer avec précision les limites du domaine public routier (CE, 26 janvier 1994, n° 139243).

En cas de doute, contactez-nous. Le cabinet PY CONSEIL, compétent en droit du domaine public et en urbanisme pourra vous conseiller et évaluer les possibilités de contestation.

4-    Arrêté irrégulier : quels préjudices pour les propriétaires ?

Un arrêté individuel d’alignement irrégulier peut entraîner divers préjudices pour les propriétaires privés. Les principaux risques incluent notamment :​

  1. Une perte de superficie de la propriété : une délimitation erronée peut conduire à une réduction injustifiée de la superficie de votre terrain, empiétant ainsi sur votre propriété. Par exemple, si l’arrêté constate à tort qu’une partie de votre terrain appartient au domaine public, vous pourriez perdre cette portion sans compensation adéquate.​
  2. Des limitations en matière de construction et d’aménagement : un alignement incorrect peut imposer des restrictions sur vos projets de construction ou de rénovation. Vous pourriez être empêché d’ériger des constructions ou d’effectuer des travaux en limite de propriété en raison de servitudes de reculement mal définies ou inexistantes.​
  3. Une diminution de la valeur vénale du bien : les erreurs dans l’arrêté d’alignement peuvent entraîner une perte de valeur de votre propriété. L’incertitude concernant les limites exactes de votre terrain ou les restrictions imposées peut rendre le bien moins attractif pour les acquéreurs potentiels.​

Il est donc essentiel de vérifier la légalité et l’exactitude d’un arrêté d’alignement pour protéger vos droits de propriété et la valeur de votre bien.

Cela vous permettra de contester l’arrêté et d’obtenir une juste délimitation.

5-    Comment contester un arrêté individuel d’alignement ?

​Les motifs de contestation d’un arrêté individuel d’alignement

L’incompétence de l’auteur de l’acte

L’arrêté doit être émis par l’autorité compétente. Selon l’article L.112-3 du Code de la voirie routière, l’alignement individuel est délivré par le représentant de l’État dans le département, le président du conseil départemental ou le maire, selon qu’il s’agit d’une route nationale, départementale ou communale.

Une erreur dans le constat de la délimitation

Si l’arrêté ne reflète pas fidèlement les limites réelles entre le domaine public et la propriété privée, ou s’il est contraire au plan d’alignement lorsqu’il y en a un, il peut être contesté.

La procédure de contestation

  • Recours gracieux

En tant que propriétaire, vous avez la possibilité d’adresser un recours gracieux à l’autorité ayant pris l’arrêté, exposant les motifs de sa contestation.

Afin de bénéficier d’un accompagnement complet, nous vous conseiller de prendre attachez avec le cabinet PY CONSEIL dès réception de l’arrêté.

  • Recours contentieux

En cas de réponse négative ou d’absence de réponse dans un délai de deux mois, votre qualité de propriétaire lésé vous permet de saisir le tribunal administratif compétent. Le délai pour introduire ce recours est également de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.

Le cabinet PY CONSEIL, avocat compétent en droit public, peut vous accompagner dans ces démarches, afin de garantir le respect des procédures et d’optimiser vos chances de succès.

Récapitulatif : les points à retenir

  • L’arrêté individuel d’alignement vous permet de connaître avec précision les limites de votre terrain par rapport à la voie publique. Il est indispensable avant tout projet de construction en bordure de propriété.
  • Il s’agit d’un acte déclaratif : il ne modifie pas vos droits de propriété mais constate une réalité juridique, en s’appuyant sur un éventuel plan d’alignement existant.
  • Ne pas respecter l’alignement expose à des sanctions (amende, démolition) en cas d’empiètement sur le domaine public.
  • Un alignement erroné ou irrégulier peut entraîner des conséquences graves : perte de surface, restrictions de construction, baisse de valeur du bien. Il est possible de le contester, sous certaines conditions et dans des délais stricts.
  • En cas de doute, faites-vous accompagner par notre cabinet d’avocats en droit public.
Prenez RDV avec un avocat