Certificat d’urbanisme erroné ou incomplet : quelle responsabilité de l’administration ?

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Table des matières

Acheter un terrain ou démarrer un projet immobilier exige d’avoir une connaissance claire des contraintes et des possibilités liées à la parcelle concernée. Pour cela, le certificat d’urbanisme est un document incontournable, censé fournir des informations précises sur les règles applicables au terrain concerné.

Mais que faire lorsque ce document comporte des erreurs ou oublie des informations déterminantes pour la faisabilité du projet ? Quels sont les recours pour les propriétaires lésés ? Quelle est l’étendue de la responsabilité de l’administration qui délivre ce certificat ?

Dans cet article, nous vous expliquons simplement et clairement les enjeux liés aux certificats d’urbanisme erronés ou incomplets, et les démarches à entreprendre pour défendre vos droits.

1 – Qu’est-ce qu’un certificat d’urbanisme ?

Le certificat d’urbanisme (CU) est un document administratif délivré par l’autorité compétente qui informe sur les règles d’urbanisme applicables à un terrain donné. Il a pour objectif de sécuriser les porteurs de projets immobiliers en leur fournissant des informations précises sur les possibilités et les contraintes liées à l’utilisation d’une parcelle.

Les deux types de certificat d’urbanisme : informatif et opérationnel

Le certificat d’urbanisme est régi par les articles L.410-1 et R. 410-1 à R. 410-21 du Code de l’urbanisme. Il existe deux types de certificats d’urbanisme :

  • Certificat d’information (CUa) : ce certificat fournit des informations générales sur les dispositions d’urbanisme applicables à un terrain, les éventuelles limitations administratives au droit de propriété (servitudes d’utilité publique) et les taxes et participations d’urbanisme.
  • Certificat opérationnel (CUb) : en plus des informations fournies par le CUa, ce certificat indique si le terrain peut être utilisé pour la réalisation d’un projet spécifique et précise l’état des équipements publics existants ou prévus desservant le terrain.

À quoi sert un certificat d’urbanisme ?

Le certificat d’urbanisme sert principalement à :​

  • Informer : il renseigne sur les règles d’urbanisme, les servitudes et les taxes applicables à un terrain.​
  • Sécuriser : il garantit que, pendant une durée de 18 mois à compter de sa délivrance, les dispositions d’urbanisme, le régime des taxes et participations ainsi que les limitations administratives au droit de propriété ne peuvent être remis en cause, sauf dispositions relatives à la sécurité ou à la salubrité publiques.
  • Évaluer la faisabilité d’un projet : dans le cas du CUb, il permet de vérifier si le projet envisagé est réalisable sur le terrain concerné, en tenant compte des équipements publics disponibles ou prévus.  

2 – Que se passe-t-il si le certificat d’urbanisme est erroné ou incomplet ?

Lorsqu’un certificat d’urbanisme contient des informations inexactes ou omet des éléments déterminants, cela entraîne d’importantes répercussions pour le pétitionnaire.

Les omissions ou erreurs peuvent inciter le propriétaire ou l’acquéreur à prendre des décisions financières ou à engager des démarches spécifiques, qui se révèleront finalement inappropriées pour le projet.

L’administration qui délivre un certificat d’urbanisme erroné ou incomplet peut voir sa responsabilité engagée. Selon la jurisprudence administrative, une faute de l’administration est reconnue lorsque des renseignements inexacts ou incomplets causent un préjudice à un administré.

3 – Quels types d’erreurs ou d’omissions entraînent la responsabilité de l’administration ?

Les mentions erronées dans le certificat

Lorsqu’un certificat d’urbanisme contient des informations inexactes à propos de la constructibilité d’un terrain, la responsabilité de l’administration peut être engagée.

Par exemple :

  • Un certificat d’urbanisme positif mentionnant un terrain comme constructible alors qu’il est soumis aux restrictions de la loi Montagne est fautif (CAA Lyon, 8 juillet 2008, n° 06LY00758).
  • Un certificat d’urbanisme opérationnel accordé sans réserve pour la construction d’une opération commerciale, alors que le terrain est en réalité soumis à des risques naturels graves, a également été reconnu comme fautif (CE, 13 novembre 2002, SCI Les Rosiers, n° 230289).
  • Un certificat d’urbanisme opérationnel déclarant un terrain constructible en violation de la loi Littoral est également considéré comme fautif (Conseil d’État, 10 décembre 2024, n° 471458).

Les mentions incomplètes

L’administration engage sa responsabilité si elle ne mentionne pas des éléments essentiels qui auraient dû être portés à la connaissance du demandeur :

  • Dans l’arrêt Société Les Hauts du Golf, le Conseil d’État a jugé qu’un certificat d’urbanisme mentionnant uniquement « Loi Littoral : oui » sans préciser que le terrain se situait dans un espace remarquable du rivage inconstructible constituait une faute (CE, 26 juillet 2018, n° 408149).
  • La responsabilité de l’État a également été engagée lorsque le certificat d’urbanisme ne précisait pas que le terrain, bien que situé en zone « urbanisée », était en réalité soumis à des restrictions strictes de la loi Littoral rendant la construction impossible (CAA Lyon, 19 mars 2019, n° 17LY03204).

Les erreurs dans l’application des règles d’urbanisme

L’administration peut aussi voir sa responsabilité engagée si elle applique mal les règles d’urbanisme en vigueur :

  • Une commune ayant délivré un certificat d’urbanisme mentionnant un coefficient d’occupation des sols (COS) de moitié inférieur à celui réellement applicable, a été déclarée comme responsable pour faute (CE, 24 juin 1988, n° 63019).
  • Est également responsable pour faute la commune qui délivre un certificat d’urbanisme en reprenant une disposition illégale contenue dans le PLU (CE, 18 février 2019, n° 414233).

4 – Comment engager la responsabilité de l’administration en cas de certificat d’urbanisme erroné ou incomplet ?​

Le certificat doit contenir une erreurou une omissionpour que l’administration puisse être tenue responsable.

Cette erreur ou omission doit causer un préjudice certain et direct au pétitionnaire. Le simple fait qu’un certificat soit erroné ne suffit pas en soi. Il faut en plus prouver que cette erreur a causé un dommage effectif. Le préjudice invoqué doit donc être certain et non simplement hypothétique ou éventuel.

  • Dans une affaire jugée par la Cour administrative d’appel de Lyon en 2019 (CAA Lyon, 19 mars 2019, n° 17LY03204), une commune avait omis de mentionner, dans le certificat d’urbanisme, une disposition du règlement sanitaire départemental imposant une distance de cinquante mètres entre les habitations et les bâtiments agricoles abritant des animaux. Cependant, la société pétitionnaire n’a pas démontré en quoi cette omission empêchait la réalisation de son projet ou d’un autre sur le terrain concerné. Par conséquent, le préjudice invoqué a été considéré comme purement éventuel et non indemnisable.

Une fois que le caractère certain et direct du préjudice a été établi, le requérant doit encore apporter la preuve d’un lien de causalité, établissant que l’erreur contenue dans le certificat est bien la cause directe du préjudice subi.

5 – Y a-t-il une différence de responsabilité entre certificat d’information et opérationnel ?

Le certificat informatif (CUa) fournit des informations sur les règles d’urbanisme applicables à un terrain, tandis que le certificat de type B indique si un projet spécifique est réalisable sur ce terrain. La responsabilité de l’administration est plus souvent engagée en cas d’erreur dans un certificat de type B, car il donne des assurances sur la faisabilité d’un projet précis.​

Bien que les deux types de certificats d’urbanisme puissent engager la responsabilité de l’administration en cas d’erreur ou d’omission, la probabilité est donc généralement plus élevée avec le CUb en raison de son caractère opérationnel et de l’impact direct qu’il peut avoir sur la réalisation d’un projet spécifique.​

6 – Comment évaluer le préjudice subi du fait du certificat erroné ?

​L’évaluation du préjudice résultant d’un certificat d’urbanisme erroné ou incomplet repose sur l’analyse des conséquences directes de l’erreur ou de l’omission sur la situation du demandeur. Le préjudice peut se manifester sous différentes formes.

Perte de valeur vénale du terrain

L’une des principales conséquences d’un certificat d’urbanisme erroné est la dévalorisation du bien immobilier concerné. Si un terrain est acheté en supposant qu’il est constructible, alors qu’il est en réalité inconstructible en raison d’une erreur dans le certificat, sa valeur marchande en est très logiquement affectée. Cette perte de valeur constitue un préjudice matériel important pour le propriétaire. ​

Frais engagés pour des démarches inutiles

Des erreurs dans le certificat peuvent conduire le propriétaire à entreprendre des démarches coûteuses. Il peut s’agit notamment des frais d’architecte pour la conception de plans, des frais de notaire liés à l’acquisition du bien, et des frais administratifs liés à la préparation et au dépôt d’une demande de permis de construire.​

Ces dépenses, engagées sur la base d’informations erronées, constituent un préjudice financier pour le demandeur. ​

Préjudice moral et perte de chance

Au-delà des aspects financiers, le demandeur peut aussi subir un préjudice moral lié à la frustration de ne pas pouvoir réaliser le projet envisagé. De plus, l’impossibilité de concrétiser une opération immobilière peut être considérée comme une perte de chance, notamment si le projet avait des perspectives de rentabilité ou d’amélioration du cadre de vie.​

Immobilisation du capital

L’acquisition d’un terrain supposé constructible, mais finalement inconstructible, peut entraîner une immobilisation du capital investi. Le propriétaire se retrouve avec un bien dont l’utilisation est limitée, ce qui peut constituer un manque à gagner ou une perte d’opportunités d’investissement ailleurs.​

Charges supplémentaires imprévues

Dans certains cas, des erreurs dans le certificat d’urbanisme obligent le propriétaire à engager des dépenses supplémentaires pour rendre le terrain conforme aux réglementations ou pour pallier les omissions du certificat. Cela constitue également un préjudice financier notable.

7 – L’administration peut-elle échapper à sa responsabilité ?

La responsabilité de l’administration dans la délivrance d’un certificat d’urbanisme peut être atténuée ou exonérée en fonction du comportement du pétitionnaire. Les professionnels de l’immobilier et les notaires sont notamment tenus à une obligation de diligence accrue, et leur imprudence ou négligence peut constituer une faute exonérant partiellement ou totalement l’administration de sa responsabilité. Les particuliers, en revanche, bénéficient d’une plus grande indulgence des juges, en l’absence de comportement fautif manifeste.

La faute du pétitionnaire n’est pas retenue s’il n’a pas d’expertise particulière en urbanisme

  • Lorsque le pétitionnaire est un particulier sans expertise particulière en matière d’urbanisme, sa faute peut ne pas être retenue, notamment s’il ne pouvait raisonnablement pas connaître l’inconstructibilité du terrain au moment de l’achat.
  • Par exemple, dans une affaire jugée par la Cour administrative d’appel de Marseille (CAA Marseille, 9 février 2012, n° 10MA01170) un particulier avait acquis un terrain sur la base d’un certificat d’urbanisme positif. Il a été considéré qu’il ne pouvait être tenu responsable de l’erreur commise par l’administration, car il n’avait pas les compétences objectives suffisantes pour déceler l’inconstructibilité du terrain.

La faute du pétitionnaire peut être retenue si c’est un professionnel disposant de compétences en urbanisme

En revanche, lorsque le pétitionnaire est un professionnel de l’immobilier ou une personne disposant de compétences particulières en matière d’urbanisme, une imprudence ou une négligence de sa part peut constituer une faute atténuant ou exonérant la responsabilité de l’administration.​

  • Professionnels de l’immobilier : dans un arrêt du Conseil d’État du 7 mai 2007 (n° 282311), une société immobilière a acquis un terrain en se fondant sur un certificat d’urbanisme positif. Cependant, en tant que professionnelle du secteur, le Conseil d’Etat a jugé qu’elle aurait dû être consciente des particularités du site, notamment du classement des parcelles en zone naturelle selon le plan d’occupation des sols (POS) de la commune. Cette négligence a été considérée comme une imprudence fautive, exonérant ainsi la commune de sa responsabilité.
  • Notaires : dans l’arrêt du Conseil d’État du 17 octobre 1973 (n° 82740), un notaire a déposé, au nom de son client, une demande de certificat d’urbanisme sans mentionner que le terrain était situé dans un lotissement, bien qu’il en ait eu connaissance. Cette omission a conduit à la délivrance d’un certificat erroné, autorisant une construction en violation des règles du lotissement. En conséquence, la construction a dû être démolie. Le Conseil d’État a jugé que l’imprudence du notaire exonérait l’administration de sa responsabilité concernant les préjudices subis par le requérant.

Récap : comment prévenir les risques liés à un certification d’urbanisme erroné ou incomplet ?

Vous l’aurez compris, un certificat d’urbanisme erroné ou incomplet peut avoir de lourdes conséquences financières et juridiques.

Pour éviter ou minimiser ces risques, il est important de bien comprendre vos droits et les conditions dans lesquelles la responsabilité de l’administration peut être engagée. Vérifiez toujours avec soin les informations reçues, surtout si vous êtes un professionnel de l’immobilier. En cas de problème, pensez à documenter précisément le préjudice subi et à rassembler les preuves nécessaires pour établir un lien direct avec l’erreur commise par l’administration.

Si vous êtes confronté à une telle situation, il est recommandé de faire appel à un spécialiste.

Le cabinet PY Conseil, expert en droit de l’urbanisme, vous accompagne pour sécuriser votre projet et vous aide à obtenir réparation en cas de litige. Contactez-nous pour bénéficier d’un conseil personnalisé et adapté à vos besoins.

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