Changement d’affectation et harcèlement moral: UN CHANGEMENT D’AFFECTATION PEUT ETRE CONTESTÉ LORSQUE CELUI-CI EST CONSTITUTIF D’UN HARCÈLEMENT MORAL
Par un arrêt du 8 mars 2023, le Conseil d’Etat a considéré que le changement d’affectation d’office d’un agent est susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux lorsqu’il manifeste un harcèlement moral de l’intéressé.
Dans le cadre des relations entre l’agent et son administration, certaines mesures ne sont pas toujours susceptibles de recours. Le juge qualifie ces décisions de « mesures d’ordre intérieur ». Il s’agit généralement de mesures ayant pour objet l’organisation du service.
Dans une décision du 25 septembre 2015, le juge est venu en donner une définition :
« Les mesures prises à l’égard d’agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardéescomme leur faisant grief, constituent de simples mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours ; qu’il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu’ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu’ils tiennent de leur statut ou à l’exercice de leurs droits et libertésfondamentaux, ni n’emportent perte de responsabilités ou de rémunération ; que le recours contre de tellesmesures, à moins qu’elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable ; » (CE, 25 septembre 2015, n°372624).
Ainsi, les mesures portant sur un changement de tâche ou d’affectation de l’agent ne sont pas susceptibles de recours, lorsqu’elles sont prises dans l’intérêt du service. Le raisonnement du juge rappelle que tout fonctionnaire est titulaire de son grade, mais pas de son emploi.
Par exception, de telles mesures peuvent être contestées devant le juge administratif pour deux raisons :
- Lorsque les effets de la décision sur la situation de l’agent portent atteinte aux droits qu’il tient de son statut ou de son contrat, l’atteinte à l’exercice d’une liberté ou d’un droit fondamental ou encore de la perte de rémunération ou de responsabilité.
- -Lorsque les motifs de la décision traduisent une discrimination ou une sanction.
Parmi les droits et libertés dont l’agent dispose, l’article 6 quinquies de la loi du 6 juillet 1983, désormais codifiée à l’article L. 133-2 du Code général de la fonction publique, consacre le droit pour tout agent public de ne pas subir des faits de harcèlement moral.
Ainsi, dans la décision commentée, le Conseil d’Etat a considéré que l’existence d’une situation de harcèlement moral relève du droit des agents publics qu’ils tiennent de leurs statuts et ce faisant est de nature à justifier l’examen d’un changement d’affectation :
« Il ressort cependant des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B… faisait valoir que cette affectation d’office, alors qu’elle n’était pas candidate à ce poste, avait été retenue, parmi des agissements répétés et excédant les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique qui ont eu pour effet d’altérer sa santé, comme faisant partie des éléments caractérisant un harcèlement moral à son encontre par un jugement du tribunal administratif de Bastia devenu définitif du 25 juin 2020. En ne recherchant pas, au vu de cette argumentation, si la décision contestée portait atteinte au droit du fonctionnaire de ne pas être soumis à un harcèlement moral, que l’intéressée tenait de son statut, ce qui exclurait de la regarder comme une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours, la cour administrative d’appel de Lyon a commis une erreur de droit » (CE, 8 mars 2023, n° 451970).
Il est donc possible de contester un changement d’affectation lorsque cette mesure est constitutive de harcèlement moral.
Toutefois, le rapporteur public a exigé de démontrer l’existence d’un harcèlement « bien établi » pour écarter l’impossibilité de contester un changement d’affectation. Dans cette affaire, le Tribunal de Bastia avait déjà reconnu l’existence d’un harcèlement moral à l’encontre de l’agent.
Il reviendra donc aux Tribunaux administratifs et aux Cours administratives d’appels de définir les conditions dans lesquelles un harcèlement moral sera suffisamment établi pour faire obstacle à une mesure de changement d’affectation.
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