Droit public et enrichissement sans cause
Le cabinet PY CONSEIL a été saisi d’un dossier en droit public, dans lequel il est question d’enrichissement sans cause et des conséquences en résultant sur le plan indemnitaire.
Par Soélie LENNE-LACOMBE
La théorie de l’enrichissement sans cause permet aux personnes qui se sont acquittées d’une obligation sans fondement contractuel, et qui se sont par suite appauvris, d’obtenir restitution ou remboursement par celui qui en a bénéficié.
Dans le cadre des relations entre l’administration et ses administrés, l’enrichissement sans cause peut se révéler dans des situations bien différentes :
L’enrichissement sans cause peut découler d’une promesse non-tenue par l’administration
La promesse est caractérisée par une manifestation de volonté de s’engager à prendre un acte, à conclure un contrat ou à faire bénéficier quelqu’un d’un avantage ou d’une situation quelconque (DEGUERGUE (M), « Promesses, renseignements, retards », Répertoire de la responsabilité de la puissance publique, Dalloz, 2016 (actualisation 2020), n° 94). La promesse peut alors faire naître chez son bénéficiaire une conviction légitime, qui l’amène à engager des dépenses, au bénéfice d’un projet mené par l’État, qui ne s’engage finalement pas dans le projet (Conseil d’État, 6 décembre 2017, n°400406). Si plusieurs fondements peuvent être invoqués pour obtenir réparation de ce préjudice (hypothèse de la promesse non-tenue : voir https://www.py-avocat.fr/promesses-non-tenues-et-responsabilite-administrative/), la théorie de l’enrichissement sans cause peut être invoquée si le requérant prouve que l’administration s’est enrichie corrélativement de son appauvrissement.
L’enrichissement sans cause a pu être invoqué lorsque des prestations ont été réalisées en dehors de tout contrat
Comme dans le cas où une société avait réalisé des travaux dans une école communale sans avoir signé de contrat, et n’avait jamais réussi à obtenir le paiement des prestations (Cour administrative d’appel, 24 septembre 2018, Société Plomberie de la Têt, n°17MA00879).
Ce peut également être dans les situations où il existe un contrat, mais les prestations réalisées dépassent les obligations convenues dans le contrat.
Il arrive aussi que des prestations soient réalisées dans le cadre d’une relation contractuelle, mais que le lien contractuel soit rompu.
Par exemple, il peut être rompu si le contrat formé est illégal : l’administration peut alors se prévaloir de ce que l’engagement serait illicite pour ne pas respecter les obligations qui en découlent. Il résulte en effet de l’article 1131 du code civil que « l’obligation sans cause ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ».
Le cas particulier de l’annulation du contrat par le juge
Il est notamment arrivé que des communes s’engagent à urbaniser des parcelles en contrepartie d’une cession à prix dérisoire. Dans ces cas, le juge a pu estimer que le contrat était nul (CAA Lyon, 31 décembre 1993, n°92LY01605), et que la commune ne commettait aucune faute en n’appliquant pas une convention nulle.
Cependant, l’équilibre étant injustement rompu entre le patrimoine de la commune et celui de son co-contractant, ce-dernier peut obtenir une restitution fondée sur les conséquences de l’annulation du contrat.
Quels sont alors les droits pour le co-contractant de l’administration ?
Ainsi, si le juge venait à constater l’existence d’irrégularités entachant d’illégalité le contrat en cause, il lui appartient d’en apprécier l’importance et les conséquences.
En effet, le Conseil d’État, dans sa jurisprudence Commune de Béziers, en date du 28 décembre 2009, a jugé que:
« Les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d’un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu’il appartient alors au juge, lorsqu’il constate l’existence d’irrégularités, d’en apprécier l’importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu’elles peuvent, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu’il lui revient [notamment] de prononcer (…) en raison seulement d’une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ».
Dans le cas des contrats de vente de terrains au bénéfice d’une commune, frappés de nullité (absolue dans ces cas), la jurisprudence administrative a admis que puissent être invoqués des moyens tirés de l’enrichissement sans cause.
En effet, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que :
« lorsque le juge, saisi d’un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle est conduit à constater la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant […] des moyens tirés de l’enrichissement sans cause que l’application du contrat frappé de nullité a apporté à l’un d’eux ou de la faute consistant à avoir passé un contrat nul »et qu’ainsi « la société […] bien que n’ayant invoqué initialement que la faute qu’aurait commise la commune […] en dénonçant le protocole d’accord […] est recevable à saisir la Cour de conclusions fondées sur l’enrichissement sans cause de la commune et sur la faute que ladite commune aurait commise en concluant un engagement nul » .
Concrètement, que peut obtenir la victime ?
Ainsi, l’annulation du contrat administratif a pour effet l’enrichissement sans cause et l’engagement de la responsabilité quasi-délictuelle de la commune. Si la remise en l’état s’avère impossible (ce qui peut être le cas dans l’impossibilité de restituer des parcelles qui ont été bâties), une restitution par équivalent doit être effectuée (Cass. 1 ère civ., 11 juin 2002, n° 00-15297, Bull. civ. I, n° 163 : « les restitutions réciproques, conséquences nécessaires de la nullité d’un contrat de vente, peuvent être exécutées en nature ou en valeur ».
La Cour administrative d’appel de Nantes, dans le cadre d’un contrat de vente de terrains illicite, désormais revendus et construits, a ainsi pu juger que la restitution en nature s’avérant impossible, les requérants ont droit à la restitution en valeur manquante de ces terrains (Cour administrative d’appel de de Nantes, 4e chambre, 4 octobre 2013, n° 12NT00012).
Le cabinet PY CONSEIL vous assiste en droit public et droit administratif pour toute affaire présentant un enrichissement sans cause. Maître Aurélien PY accompagne aussi bien les collectivités territoriales que les particuliers.
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