Fuite d’eau sur voie privée et responsabilité administrative

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Table des matières

La Cour administrative d’appel de Lyon a rendu un important le 5 décembre 2024, concernant un litige opposant des riverains à la Grenoble-Alpes Métropole au sujet de la responsabilité en cas de dommage causé par une canalisation publique située sur une voie privée. Cette affaire soulève des questions importantes relatives à la répartition des responsabilités entre les collectivités publiques et les particuliers dans la gestion des réseaux d’eau potable, ainsi qu’à la notion de clause abusive dans les règlements de service public.

Les faits de l’affaire

Une fuite d’eau s’est produite le 5 février 2020 dans une canalisation générale située dans une voie privée d’un lotissement dans une commune de l’agglomération grenobloise. Cette canalisation, partie intégrante du réseau public de distribution d’eau potable, dessert plusieurs abonnés avant tout branchement individuel.

Grenoble-Alpes Métropole a refusé de réparer la canalisation endommagée, invoquant l’article 19 de son règlement du service public de l’eau. Cet article transfère aux propriétaires riverains la responsabilité des canalisations situées sur des voies privées, en amont des compteurs. Ces propriétaires doivent prendre en charge à leurs frais tous les travaux nécessaires, tels que la réparation, la modification ou la suppression des fuites. Ils doivent également assumer la responsabilité des dommages que ces ouvrages causent, sauf en cas de cause étrangère.

Les riverains ont saisi le tribunal administratif de Grenoble, demandant notamment l’abrogation de cet article, et une indemnisation de près de 43 603 euros pour les préjudices subis. Par jugement du 28 septembre 2023, le tribunal a rejeté leur requête, estimant que certaines demandes étaient irrecevables ou relevaient de la compétence du juge judiciaire.

Les requérants ont alors fait appel devant la Cour administrative d’appel de Lyon, contestant le jugement et soutenant que la clause litigieuse constituait une disposition abusive en droit de la consommation et qu’elle violait les principes de responsabilité en matière de travaux publics.

Questions juridiques abordées

  1. Compétence juridictionnelle : La Cour a examiné si la juridiction administrative était compétente pour traiter les conclusions indemnitaires des riverains, en lien avec un dommage causé par un ouvrage public.
  2. Nature abusive de l’article 19 : La Cour a analysé si les dispositions de cet article du règlement qualifient une clause comme abusive en application du Code de la consommation. »
  3. Responsabilité en matière de travaux publics : La Cour a analysé si Grenoble-Alpes Métropole devait répondre des dommages causés par la canalisation en question, même en l’absence de faute.

Analyse et décisions de la Cour

Compétence de la juridiction administrative

La Cour a rappelé que, si les litiges relatifs aux relations entre un service public industriel et commercial (SPIC) et ses usagers relèvent du juge judiciaire, les actions en responsabilité pour dommages causés aux tiers par un ouvrage public relèvent de la juridiction administrative.

En l’espèce, la fuite concernait une canalisation destinée à la desserte générale, en amont de tout branchement particulier. Les riverains, agissant en tant que tiers, n’étaient donc pas dans une relation d’usager avec le SPIC. La juridiction administrative était compétente pour connaître des conclusions indemnitaires.

Caractère abusif de l’article 19

La Cour a jugé que l’article 19 du règlement du service public de l’eau avait pour effet de supprimer ou de réduire significativement le droit à réparation des abonnés victimes de dommages causés par des ouvrages publics, ce qui créait un déséquilibre significatif au détriment des consommateurs.

La Cour a qualifié la disposition d’abusive en vertu du Code de la consommation et l’a abrogée en conséquence. Elle a également affirmé que les clauses réglementaires locales ne peuvent ni modifier ni réduire la réglementation applicable à la responsabilité des collectivités publiques.

Responsabilité de Grenoble-Alpes Métropole

La Cour a souligné que le maître d’ouvrage d’un ouvrage public doit répondre des dommages causés aux tiers, y compris en l’absence de faute. Elle a également considéré que le réseau de canalisation litigieux, bien qu’implanté sur une voie privée, était un accessoire indispensable du réseau public et qu’il relevait à ce titre de la responsabilité de la Métropole. En conséquence, Grenoble-Alpes Métropole doit indemniser les riverains pour les préjudices subis.

Le principe de responsabilité sans faute garantit que les personnes affectées par un dommage, même accidentel, puissent obtenir une réparation, sans avoir à démontrer la faute de la collectivité.

Conséquences pratiques

La Cour a condamné Grenoble-Alpes Métropole à verser à chacun des sept requérants une somme de 4 334,92 euros, correspondant aux frais de réparation engagés, aux frais d’huissier pour constater la situation, et au préjudice moral et de jouissance subis. Elle a également annulé la décision de refus d’abrogation de l’article 19 du règlement du service public de l’eau.

Réparation des préjudices

  1. Frais de réparation : Les requérants ont dû prendre en charge les travaux de réfection de la chaussée endommagée, en raison du refus de Grenoble-Alpes Métropole d’intervenir. Chaque riverain a supporté des frais individuels évalués à 3 803,25 euros, un montant jugé légitime et nécessaire. La prise en charge par les riverains a toutefois engendré une charge financière considérable, aggravée par l’absence de réponse immédiate de la métropole.
  2. Frais d’huissier : Afin de préserver leurs droits, les riverains ont réalisé deux constats d’huissier, partagés à parts égales. La Cour a jugé ces frais d’un montant total de 300 euros justifiés et proportionnels au litige. Ces constats ont permis de documenter la situation et de démontrer l’urgence des réparations nécessaires.
  3. Préjudice moral et de jouissance : Les requérants ont également reçu une indemnité de 500 euros chacun pour le trouble de jouissance et les difficultés liées à la prise en charge personnelle des travaux. La fuite, ainsi que l’obligation pour les riverains de gérer eux-mêmes les réparations, a engendré une gêne reconnue comme un préjudice significatif.

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