Les accords-cadres dans les marchés publics: quelques points de vigilance
L’accord-cadre est un contrat par lequel l’acheteur public s’engage à passer des marchés auprès du ou des titulaires de l’accord, pendant une période donnée, au fur et à mesure de ses besoins et pour des prestations déterminées. (voir la fiche technique de la DAJ ).
Cette liberté accordée au pouvoir adjudicateur est toutefois encadrée à plusieurs stades de la passation.
D’abord, le recours aux accords-cadres ne doit pas aboutir à restreindre la concurrence.
En droit, la directive 2014/24 tend à poser une condition générale au recours aux accords-cadres, en prévoyant que “les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent recourir aux accords-cadres de façon abusive ou de manière à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence” (PE et Cons. UE, dir. 2014/24/UE, pt 61). Cette règle a été transposée à l’article R. 2162-1 du CCP.
Ainsi, les accords-cadres respectent les principes généraux de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures (voir également l’article L. 3 du même code).
Ensuite, lors de la passation des accords-cadres, certaines informations sont essentielles dès l’avis de marché.
La haute juridiction considère que dans un accord-cadre l’avis de marché doit indiquer la volumétrie dans le cadre « Quantité ou étendue globale » et une estimation de la valeur totale des acquisitions sur la durée (CE, 12 juin 2019, n° 427397, Ministère des armées).
Désormais, la Cour de Justice de l’Union européenne considère que pour respecter les principes de transparence et d’égalité de traitement des candidats, en ce qui concerne les marchés subséquents à un accord-cadre « s’il n’est assujetti qu’à une obligation de moyens lorsqu’il s’agit de préciser la valeur et la fréquence de chacun des marchés subséquents à passer, le pouvoir adjudicateur originairement partie à l’accord-cadre doit, en revanche, impérativement préciser, quant à l’accord-cadre lui-même, le volume global, et donc la quantité et/ou la valeur maximale, dans lequel pourront s’inscrire les marchés subséquents ». (voir en ce sens : CJUE, 17 juin 2021, Simonsen & Weel A/S c/ Region Nordjylland og Region Syddanmark, Aff. C-23/20).
Ainsi désormais, il devra être indiqué le volume global et donc la quantité et / ou la valeur maximale prévue pour la conclusion des marchés subséquents aux accords-cadres.
Enfin, une information minimale est nécessaire sur les conditions d’attribution des marchés subséquents à un accord-cadre mono-attributaire dès l’engagement de la procédure d’attribution de cet accord-cadre.
En effet, il ressort de l’article L. 2125-1 du code de la commande publique que :
« L’acheteur peut, dans le respect des règles applicables aux procédures définies au présent titre, recourir à des techniques d’achat pour procéder à la présélection d’opérateurs économiques susceptibles de répondre à son besoin ou permettre la présentation des offres ou leur sélection, selon des modalités particulières. Les techniques d’achat sont les suivantes : / 1° L’accord-cadre, qui permet de présélectionner un ou plusieurs opérateurs économiques en vue de conclure un contrat établissant tout ou partie des règles relatives aux commandes à passer au cours d’une période donnée. (…) ».
L’article R. 2162-2 du même code indique que : « Lorsque l’accord-cadre ne fixe pas toutes les stipulations contractuelles, il donne lieu à la conclusion de marchés subséquents dans les conditions fixées aux articles R. 2162-7 à R. 2162-12« .
L’article R. 2162-6 précise que : « Les marchés subséquents (…) sont conclus ou émis entre les acheteurs identifiés à cette fin dans l’avis d’appel à la concurrence, dans l’invitation à confirmer l’intérêt ou, en l’absence d’un tel avis ou d’une telle invitation, dans un autre document de la consultation, et le ou les opérateurs économiques titulaires de l’accord-cadre« .
Aux termes de l’article R. 2162-7 : « Les marchés subséquents précisent les caractéristiques et les modalités d’exécution des prestations demandées qui n’ont pas été fixées dans l’accord-cadre. Ils ne peuvent entraîner des modifications substantielles des termes de l’accord-cadre« .
Enfin, selon l’article R. 2162-9 : « Pour les pouvoirs adjudicateurs, lorsqu’un accord-cadre est conclu avec un seul opérateur économique, les marchés subséquents sont attribués dans les conditions fixées par l‘accord-cadre. Préalablement à la conclusion des marchés subséquents, le pouvoir adjudicateur peut demander par écrit au titulaire de compléter son offre« .
Sur le fondement de ces dispositions, la juridiction administrative considère qu’il appartient au pouvoir adjudicateur d’informer les candidats sur les conditions d’attribution des marchés subséquents à un accord-cadre mono-attributaire dès l’engagement de la procédure d’attribution de cet accord-cadre.
- Voir en ce sens : CE, 6 novembre 2020, n°437718 :
« il appartient au pouvoir adjudicateur d’informer les candidats sur les conditions d’attribution des marchés subséquents à un accord-cadre mono-attributaire dès l’engagement de la procédure d’attribution de cet accord-cadre, dans l’avis d’appel public à la concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. La circonstance qu’un accord-cadre soit conclu avec un seul opérateur économique n’implique pas que son titulaire bénéficie de l’octroi automatique des marchés subséquents passés dans ce cadre ».
Il résulte de ce qui précède, que lorsqu’un accord-cadre est conclu avec un seul opérateur économique, les marchés subséquents sont attribués dans les conditions fixées par l’accord-cadre. Préalablement à la conclusion des marchés subséquents, le pouvoir adjudicateur peut demander par écrit au titulaire de compléter son offre.
La Direction des Affaires Juridiques (DAJ) alerte sur ces points, dans sa fiche technique consacrée aux accords-cadres
« L’accord-cadre exécuté au moyen de marchés subséquents offre à l’acheteur une certaine souplesse dans la fixation de son contenu. Il ne doit pas être pour autant une coquille vide n’engageant aucune des parties.
Certains termes des marchés subséquents peuvent n’être fixes qu’au moment de la conclusion de ces marchés. L’accord-cadre à marchés subséquents ne saurait toutefois s’en tenir à une définition sommaire des besoins, permettant ensuite à̀ l’acheteur d’être complètement libre dans la fixation de ses exigences. Outre le détournement de procédure qu’une telle pratique caractériserait, elle conduirait à rendre inefficace la procédure d’un point de vue économique, aussi bien pour l’acheteur que pour l’entreprise, en ne leur autorisant pas un minimum de planification des commandes.
Il est par conséquent indispensable que l’accord-cadre comporte un certain nombre d’informations sur les engagements des parties et les conditions de passation des marchés subséquents ».
Ainsi, la mention du prix ou des modalités de sa détermination requiert une attention particulière en raison de la nature spécifique de l’accord-cadre. En matière d’accord-cadre mono-attributaire, l’absence de détermination du prix au stade de l’accord-cadre, en se bornant à renvoyer aux marchés subséquents conclus avec un titulaire unique bénéficiant d’une certaine exclusivité méconnaît les principes essentiels de la commande publique. A cet égard, la DAJ précise que « les documents de l’accord-cadre doivent énoncer un prix déterminé ou, à tout le moins, déterminable ».
Me Aurélien PY, avocat expert en droit public à GRENOBLE et à GAP, vous assiste que vous soyez une collectivité publique ou une entreprise, pour toute question relative au droit des marchés publics et plus généralement à la commande publique.