Quand l’administration peut être responsable pour promesses non tenues
En droit public ou droit administratif, la responsabilité de l’administration peut être engagée dans de nombreuses hypothèses.
Parmi celles-ci, l’administration est responsable du fait de promesses non tenues.
Cette responsabilité peut être aussi bien engagée sur un fondement extracontractuel et sur un fondement contractuel.
I – « La promesse non tenue » lorsque l’engagement de l’administration ne fait pas l’objet d’un contrat
En droit, il existe un principe général selon lequel une personne publique est responsable des engagements imprudents qu’elle prend vis-à-vis des particuliers qui s’adressent à elle, des promesses ou des encouragements qu’elle prodigue (voir en ce sens: O. Fickler- Despres, Les promesses de l’Administration: JCP G 1998, I, 104 et J.-M André, La responsabilité de la puissance publique du fait de diverses formes d’engagements non contractuels de l’Administration : AJDA 1976, p.20).
Il suffit que l’administration se soit comportée « de façon à donner la conviction » qu’elle agirait d’une certaine façon, alors que finalement elle ne l’a pas fait, pour qu’elle trompe la confiance que les administrés ont pu avoir envers elle et qu’elle engage sa responsabilité (voir en ce sens : CE 30 juin 1922, Lamiable, S. 1922. 3. 25, note Hauriou, concernant la conviction qu’ont pu avoir des officiers engagés dans l’armée polonaise qu’ils toucheraient une double solde au moins pendant six mois).
Si des engagements formels ont été pris, leur méconnaissance est constitutive de faute, que cela ait été formulé :
– dans une lettre (voir en ce sens : CE 10 juin 1988, Min. délégué auprès du min. du Redéploiement industriel et du commerce extérieur chargé des PTT c/ Cie générale des eaux, Lebon T. 1004, concernant l’engagement de payer les intérêts d’une dette. – CE 15 nov. 2000, Dpt du Haut-Rhin, Région Alsace, n° 207145 et 207146, , à propos de l’engagement de l’État de réaliser la liaison fluviale Rhin-Rhône en contrepartie de la participation financière des collectivités territoriales. – 2 oct. 2002, Nicolas, n° 233883, concernant une promesse de recrutement ayant incité l’inté- ressé à démissionner de son emploi précédent)
– par une délibération en apparence régulière d’un conseil municipal (voir en ce sens : CE 23 déc. 1987, Cne de Pradelles, RD publ. 1988. 898).
Ainsi, l’acceptation d’une donation d’œuvres d’art provenant d’un artiste par une délibération d’un conseil général sous la condition de créer un musée à son nom pour les y exposer, puis l’abandon du projet plusieurs années après, s’analyse en des promesses non tenues qui enga- gent la responsabilité du département, mais pas celle d’une ville qui n’avait apporté son con- cours au projet qu’en acceptant le dépôt des œuvres, sans prendre d’engagement (voir en ce sens : CAA Marseille, 28 juin 2004, Ville de Nice, n°02MA00231, concernant le projet d’un musée consacré aux œuvres de Trémois).
En droit de l’urbanisme, l’engagement de la responsabilité administrative de personnes publiques peut également être retenue au titre des promesses non tenues (voir en ce sens : CAA Marseille, 23 mai 2017, n°15MA05017 ; CAA, Douai du 26 juin 2014, n°13DA00490).
Dans cette dernière affaire, il est à relever que si la responsabilité de la commune n’est pas retenue, c’est uniquement parce qu’il n’existait pas d’engagement formel de la part du Maire :
CAA, Douai du 26 juin 2014, n°13DA00490 :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que si le maire de la commune d’Isneauville a, à plusieurs reprises, manifesté l’intérêt d’un classement du terrain des requérants en zone constructible dans le nouveau plan local d’urbanisme, il n’a toutefois pas pris d’engagement formel en ce sens ; qu’en outre et en tout état de cause, le terrain objet du litige a été classé, dans le nouveau plan, en zone constructible Ue ; que, dès lors, la commune n’a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de la commune au titre d’une promesse du maire non tenue ;
La responsabilité contractuelle peut aussi être engagée lorsque l’inexécution fait suite à la conclusion d’un contrat.
II – La « promesse non tenue » lorsque l’engagement de l’administration fait l’objet d’un contrat
En droit, l’administration est tenue de donner suite au contrat qu’elle a signé et elle engage donc sa responsabilité contractuelle si elle renonce à l’exécution de son engagement ou rompt unilatéralement ce contrat.
Voir en ce sens :
– CE, 24 mai 1949, Secr. d’État aux Communications, Lebon 328 : « La commune a renoncé sans raison apparente à l’exécution des travaux […]. Le préjudice subi engage la responsabilité de la commune ».
– CE, 14 oct. 1959, Féd. nationale des industries radioélectriques et électroniques, Lebon T. 1032 ; RD publ. 1960. 196 : « en rompant unilatéralement le contrat qui la liait à la fédération requérante, l’admi- nistration a ouvert au profit de cette fédération un droit à réparation » ;
-CE,29juin 1990, Sté Études-recherches-ingénierie-construction c/ Centre hospitalier de Moutiers, no 68025: l’hôpital qui délègue à l’État la maîtrise d’ouvrage d’une opération de construction d’une maison de retraite, est contractuellement engagé à l’égard du maître d’œuvre désigné par l’État, et résilie donc des engagements contractuels en décidant de reprendre la maîtrise d’ouvrage et de choi- sir un autre maître d’œuvre ; ce manquement à ses obligations contractuelles est constitutif d’une faute engageant la responsabilité de l’hôpital à l’égard du maître d’œuvre évincé qui peut prétendre à être indemnisé du coût des études effectuées entre la date de sa désignation par l’État et celle à laquelle il a été informé qu’il ne serait pas donné suite à cette désignation ;- CAA Marseille, 28 juin 2004, Ville de Nice, AJDA 2004. 2065 : une fois qu’une collectivité publique a accepté un don ou un legs conditionné, elle engage sa responsabilité si elle renonce au don ou au legs au motif que les conditions posées sont irréalisables ;
De plus, l’administration doit respecter l’intégralité de ses obligations contractuelles :
CE 30 oct. 1951, Sté Citroën, Lebon 504 : le cocontractant « a droit à une indemnité pour inaccomplissement par l’État de certaines de ses obligations contractuelles » ;
Encore, l’administration doit respecter les délais d’exécution du contrat et en l’absence de délai prévu au contrat, il est constant qu’il existe une « durée normale d’exécution » du contrat (voir en ce sens : CE 7 févr. 1951, Ville de Paris, Lebon 76).
Cependant, « une partie à un contrat ne peut être considérée comme étant en retard dans l’exécution des obligations qui en découlent qu’à compter de la mise en demeure qui lui est faite de les exécuter » (voir en ce sens : CE 5 nov. 1959, Cne de Bollene, RD publ. 1960. 713).
A cet égard, l’administration peut être condamnée pour un comportement général manifes- tant « une lenteur à poursuivre l’exécution d’un projet » (voir en ce sens : CE 20 déc. 1961, Sieur Jacquet, Lebon 723 ; CE 7 déc. 1973, Sieurs Le Couteur et Sloan, Lebon 705 ) ou un « retard ap- porté par la personne publique à l’exécution de ses propres engagements » (voir en ce sens : CE 19 févr. 1975, Min. d’État chargé de la Défense nationale c/ Sté Entreprise Campenon-Bernard, Lebon 143).
Dans ces deux types de situations, l’administration peut être condamnée à réparer les préjudices que vous avez subis : préjudices matériel, moral, financier.
Pour solliciter un conseil où engager la responsabilité de l’administration, vous devez faire appel à un avocat en droit public aussi appelé droit administratif qui maîtrisera le droit de l’urbanisme.